Etrange, étrange de vivre ainsi, tel un observateur, jamais se sentir vraiment appartenir à aucun groupe. Rentrer dans le moule. En ville, s’habiller de manière conventionnelle, il y a tous ces codes d’appartenance à respecter, chacun est dans l’envie d’être « présentable », à la mode, dans le paraître, dernier iPhone à la main et dernières sneakers aux pieds.
Les groupes se reconnaissent : les wesh wesh sont souvent ceux que l’on distingue le mieux, puis le groupe « des jeunes », tous habillés pareil, un peu comme un troupeau de moutons qui frôlent sans cesse les interdits. Fort heureusement, parmi eux, certains se cherchent et se démarquent.
Puis, il y a ces trentenaires, ceux qui ont fini par choisir leur camps après cette adolescence plus ou moins tumultueuse. L’objectif principal pour eux, au delà du paraître, est à présent de « posséder ». La maison, la voiture, la femme, le mari et les enfants. Bien sûr tout ça doit bien rouler, se coordonner. Si jamais ça foire, prévisible par ces temps qui courent, c’est pas grave, on recommence ! Nouvelle maison, nouvelle femme, nouveau mari, nouveaux « beaux enfants » ! Après tout, tout est interchangeable ! Et par dessus ce beau package, il y a cette étiquette primordiale, celle de « la réussite ».
Ceux qui triment toujours à 30 piges : sont les losers et ceux qui s’en sortent bien, en d’autres termes qui ont un porte-feuille confortable et tout le tsointsoin cité plus haut : ont réussi leur vie!
A quelques années d’écart, à l’étage du dessus, c’est la même rengaine, et vers la cinquantaine c’est la santé qui commence à bousculer ces normes. Certains passent entre les mailles, d’autres prennent une sorte de claque qui remet certaines pendules à l’heure. C’est un peu comme si la vie reprenait sa place au milieu de ce déguisement, cet égarement, cette mascarade collective bien organisée.
Les rides, les cheveux blancs, le paraître devient plus difficile à enjoliver alors c’est au tour des enfants de jouer, la roue tourne. Nos anciens pourraient nous en apprendre tant et mériter leur parcours, nous dire à quel point nous nous éloignons de la vie, de la nature. Le problème c’est qu’ils sont parqués dans des maisons de « santé » le bec cloué. Après tout, eux aussi ont fait leurs erreurs, alors cachez-vous vieux ridés, vous n’avez plus votre place!
La norme actuelle est donc assez facile à résumer dans nos pays riches. Le monde capitaliste tel qu’il est actuellement tend vers un individualisme assez étonnant. Individualiste, oui, mais enfermé dans le paraître. Etrange non ?
« Je ne me préoccupe pas de toi, tu ne m’intéresses pas, par contre, je veux te montrer ma réussite. »
C’est à ce stade que mon positionnement m’interroge. Je suis une personne plutôt cultivée, j’aspire à l’art, puisque j’en ai fais mes études, puis au savoir, puisque je suis de ceux qui cherchent toujours à s’instruire face à l’ignorance. Une grande chance aujourd’hui, d’avoir à quelques clics de souris autant de connaissances. Je m’égare.
Pourquoi cela m’est-il difficile alors, avec mes connaissances, de trouver une place dans ce système actuel ? La question initiale serait : « que faisons-nous ici ? » Par ici, j’entends sur cette terre, dans ce système solaire, encré lui même dans l’univers. Mais partir de si loin, serait un peu long ! Et franchement personne ne serait répondre à ces questions. Alors, sautons ces quelques étapes jusqu’à aujourd’hui, en acceptant au passage d’être bien en vie et ici et formulons la question simplement :
Pourquoi devrions-nous tous vivre à l’intérieur de ce modèle actuel ? Et, est-ce être en marge que ne pas s’y sentir à l’aise ? Est-ce anormal de ne pas se sentir légitime ou dans l’autre sens se sentir un peu comme un imposteur, un caméléon qui tente de se fondre dans la masse ?
On en revient à cette notion d’observation de départ. Vivre dans le modèle sans y trouver sa place. Etre en décalage constant. Laissez moi clarifier. C’est un peu comme si, lors d’un repas entre amis, au lieu de profiter de la conversation, de la bonne bouffe et du bon vin, vous étiez là, à trôner en tant que sociologue, à étudier ce qu’il est en train de se passer. Les réactions de chacun, le paraître, la tenue à table, les choix d’habillement, les réactions face aux sujets abordés … Parce que tout simplement ça ne vous vient pas naturellement tous ces codes, alors vous cherchez à vous adapter, mais en faisant cela vous ne faites qu’imiter.
Le problème, c’est que pendant un temps, le but était de trouver une place là dedans, donc d’être dans le mimétisme quelque part pour se sentir dans l’appartenance à ce système. Puisqu’être en dehors de celui-ci n’est pas « normal ».
Mais depuis quelques temps, la seule place à laquelle l’observation devient délicieuse, c’est lorsqu’elle se fait dans la nature, lorsqu’elle s’éloigne de toutes ces conventions à demie comprises. D’un coup, la place est toute trouvée, la place est légitime, aucunement faussée.
Est-ce que cela veut dire que c’est la bonne place ? Je ne sais pas, mais tout mon être tend à me dire, qu’il frôle le bonheur dans ces moments là, comme s’il se sentait entier, en phase. Cette connexion à la nature me paraît innée et dans l’ordre des choses.
Alors, s’agit-il de se re-découvrir en tant qu’être vivant grâce à la nature ?
Se re-découvrir, se re-connecter avec la nature. Attention, je ne suis pas un gourou ou je ne sais quel farfelu en quête de vérité divine ou de sagesse, paix intérieure.Non, je parle d’une re-connexion avec la vie, la nature, avec des valeurs saines.
Ce n’est pas d’un retour en arrière dont il s’agit. Il est bel et bien question de connexion, entre nous, humains. Une connexion pour écouter la nature, puisqu’elle exprime chaque jour des symptômes que l’on ne peut plus ignorer ; et pour nous, les enfants, les jeunes, les trentenaires et les étages au dessus, qui ont perdu l’écoute, la communication, le partage et la douceur, le prendre soin de.
Prendre soin de… Vous, nous, soi-même, et d’elle, celle qui nous porte, cette terre.
Prenons un exemple simple. Un enfant, doté de sa belle innocence, ne supporterait pas que vous fassiez volontairement du mal à sa mère, il ne comprendrait pas, ce serait absurde. Celle qui le porte chaque jour, qui le protège, lui donne à boire et à manger, sans jamais aucune avarice. Ce serait anormale, incompréhensible même, de faire souffrir un être qui est dans le don et le partage absolus. Vous avez compris le sens de ma pensée malgré une métaphore peu inventive.Je crois qu’à un moment, il sera inévitable de savoir s’arrêter. Rien qu’un instant, faire une pause de réflexion dans cette agitation frénétique, entraînante et hypnotique. Oser freiner au milieu de ce bruit assourdissant et constant des Klaxons avant que l’Accident ne survienne. Et les accidents, il y en a constamment, il suffit d’ouvrir un journal, d’écouter les informations… Cela est devenu normal, banal, partout et cela va de mal en pis.
La seule communication encore existante est l’argent, même dans nos hôpitaux, là où devrait trôner le Care, l’amour, le partage, même dans ce lieu, tout va à un rythme effréné, tout est chiffré.
Pourtant, derrière cette porte numérotée, allongé dans ce lit, il y a une vie, votre mère, votre frère, vous, un parcours, une personne, individuelle et digne. Un être doté de sentiments donc, qui malade, est d’un coup plongé dans un besoin presque enfantin : de se sentir entouré, rassuré, épaulé, pendant qu’il ne peut faire face au quotidien. Une personne, qui se verra masquée, ignorée, effacée par la frénésie de l’argent, par l’absurdité du monde actuel. Et en conséquences des soignants qui se sentiront aliénés et impuissants. C’est un sujet que je développerais mais pas ici.
Ce que je voudrais faire ressortir ici, c’est l’absurdité qu’est devenue notre « vie ». C’est passer à côté de nous-même, être humain, que d’accepter cette aliénation, ce système dans lequel il faudrait absolument appartenir. Nous sommes de manière collective en train de nous égarer, nous perdre. Nous perdons le savoir, oublions petit à petit d’où nous venons, une planète, qui est en train de perdre tout ce qu’elle a de plus beau à offrir, nous oublions ce parcours perturbé par les erreurs humaines et où cela nous a mené. La haine, est actuellement en train de gagner. Nous sommes dans un monde où l’absurde a prit toute sa place et où les valeurs dites pendant un temps « humaines » sont devenues excessivement rares.
Re-connectons nous différemment, nous savons réfléchir, trouver des solutions quand il le faut. J’ai encore confiance en cet être humain, même si je l’ai perdue un temps.
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