Voilà un certain nombres d’années que cette idée un peu folle me trottait dans la tête : traverser l’atlantique sur un voilier. Cette année j’ai réalisé ce rêve incroyable et souhaite partager l’expérience pour donner quelques tuyaux à ceux et celles qui viendraient par ici dans l’espoir de glaner toutes les infos pour se préparer au mieux pour leur traversée. Je suis loin d’être une experte, c’est simplement un retour d’expérience, un partage.
Ce rêve peut paraître fou, se lancer dans un périple aussi long et surtout au milieu de cette immensité bleue, cela peut même paraître insensé. Mais si vous ne pouvez pas vous empêcher d’être en admiration devant les navigateurs qui partent des mois contre vents et marées, si l’appel du large est devenu une envie qui ne vous quitte plus, vous êtes alors au bon endroit pour récupérer des infos et enfin vous lancer. Cette aventure vaut incontestablement la peine d’être vécue. Elle a été possible malgré ma pauvre expérience et connaissance de la voile, j’ai s’eu tenir mes quarts, et être, je l’espère, un élément efficace à bord du voilier.
NAVIGUER DANS L’ARTICLE
L’EQUIPAGE / LA TRANSATLANTIQUE / PARCOURS DE LA TRANSAT / POURQUOI CETTE AVENTURE / LA MEILLEURE PERIODE / DOIT-T-ON ETRE EXPERIMENTE / BATEAU STOP AUX CANARIES / HUIT CLOS / DISTRACTIONS / COURSES ALIMENTAIRES / SECURITE, GRAB BAG, EQUIPEMENT / ILLUSTRATIONS
ARTICLES ASSOCIES
L’EQUIPAGE

Pour nous trois, le périple a débuté de Cadix, dans le sud de l’Espagne, sur un vieux voilier Melody de 10m.
Le capitaine (skipper) est un voileux expérimenté, son co-équipier avait seulement 8 mois de voile en Méditerranée et moi-même j’avais seulement 3 semaines d’apprentissage.
Pour ces deux là, le périple avait commencé 8 mois plus tôt, ils ont fait un tour de Méditerranée assez mouvementé. Mélody est une grand-mère capricieuse. La transatlantique et la remontée des Caraïbes venait clôturer leur aventure d’une année en mer.


Départ sur un coup de tête.
Journal de voyage – 30/12/2021 – Chance inespérée de faire la Transatlantique
Leur co-équipière s’est cassée la cheville, il est 2h du matin ce 30 décembre, je suis au travail, lorsque j’apprends cette nouvelle. Sans même laisser planer un doute, le sourire se plaque aux commissures des lèvres, j’annule ma soirée du 31, je me propose sur le voilier. J’ai le sentiment que le destin vient de m’offrir une place sur le Titanic, je saute de joie et espère que mon frère va accepter. Après tout, je suis novice, je n’ai navigué que 15 jours de la France à la Corse.
9h. J’arrive chez ma mère, malheur mon passeport expire le 3 janvier. Tant pis, je fonce quand même, cette chance ne se représentera pas de sitôt.
LA TRANSATLANTIQUE
La transat est tout simplement la traversée de l’atlantique en voilier, ce que font les navigateurs, de la route du Rhum, en quelques jours, nous, commun des voileux, le faisons en bien plus de temps. Nous ne chevauchons pas les mêmes voiles. Lorsque eux surfent sur la vague avec leur formule 1, nous, nous l’accompagnons dans tous ses caprices, à son rythme, tantôt lent et nonchalant, tantôt agacé et rythmé, voire parfois carrément dans le calme assommant de la pétoule (absence de vent).
Cette traversée de l’Océan se fait dans les deux sens :
D’Est en ouest : de l’Europe vers les Caraïbes (ou Amériques), en passant par les Iles Canaries et le Cap Vert. On va chercher les Alizés : courant d’air chaud au niveau des tropiques pour traverser l’Atlantique. Cette traversée est magique car elle fait parcourir plusieurs cultures, plusieurs pays, nombreux paysages qui ne se ressemblent pas d’un pays à l’autre. C’est agréable également de voir la terre entre les jours de navigation.
D’Ouest en est : des Caraïbes (ou des Amériques) jusqu’en Europe, en passant par les Bermudes et les Açores.








Je prépare mon sac à toute vitesse, je cours dans toute la maison, pèse 20 fois ce foutu sac, il est encore trop lourd. Mon vol sera le 02 janvier, départ de Montpellier. Je dois être là bas la veille. Je vais dormir chez mon père. C’est bien, au moins je le verrais avant de partir. Si jamais on ne revient pas, c’est mieux ainsi.
Journal de voyage – 02/01/2022 – Départ de Montpellier vers l’aventure – Montpellier > Séville
Je n’ai pas fermé l’oeil cette nuit, je trépigne d’impatience. Après un léger café, nous voici propulsés dans les années 80 avec le papa. La Clio 1 ronfle, ne dépasse pas les 70 sur la route des plages, direction aéroport. Le père est heureux, il est avec sa fille. La fille est heureuse de le voir aussi et qu’il voit la graine du voyage qu’il a planté dans le coeur de ses enfants, bien germée, épanouie, luxuriante. Après tout, c’est grâce à lui tout ça.
parcours de la transatlantique
Voici notre parcours : départ de Cadix, sud Espagne, à 1h de Séville. Nous avons pris notre temps pour visiter les Iles, une à une, que ce soit aux Canaries, au Cap Vert et aux Caraïbes. Je note uniquement les traversées pour vous donner une idée de ce qui vous attend en durée de traversée. En moyenne, nous faisions du 5 noeuds, soit entre 120 mn et 130 miles nautiques/24h.
Comptez : 6/7 jours de Gibraltar aux Iles Canaries, 7/8 jours des Iles Canaries au Cap Vert. Certains équipages partent directement des Iles Canaries pour faire la traversée de l’Atlantique. Je conseille plutôt de descendre au Cap Vert, d’une part parce que c’est génial, ce serait vraiment rater quelque chose, c’est plus qu’un voyage, c’est des rencontres avec une population absolument touchante, des paysages volcaniques et arides somptueux, vous ne repartirez pas du Cap Vert indifférent. Mindelo, la Capitale culturelle est géniale, le port respire l’atmosphère des derniers préparatifs avant le grand bain. Bref, si vous avez le temps, n’hésitez pas ! De plus, les Alizés y sont installés.
Du Cap Vert à Trinité et Tobago : 17 jours. Compter environ 20 jours pour la Martinique.
Bien sûr ces durées sont approximatives, si vous connaissez un peu le milieu de la voile, vous savez qu’un bateau « on ne sait ni quand il va partir ni quand il arrivera ! »
Je ne mets pas Trinité et Tobago > Martinique car nous avons déchiré le Génois, un Hauban a lâché, le moteur marchait mal lorsque nous avons entrepris la nav des Grenadines à la Martinique. Les grains sont puissants aux Caraïbes, Mélo après ce périple n’a pas résisté. En temps normal, il faut compter environ 2 jours de nav. Du coup, nous sommes allés réparé notre grand-mère épuisée à Carriacou, chantier prisé, car le moins cher des Caraïbes.
DATE | DEPART | DATE | ARRIVEE | C° | JOURS DE NAV/Miles N/Noeuds |
---|---|---|---|---|---|
03/01/2022 | Cadix – sud-est Espagne | 08/01/2022 | La Graciosa – Iles Canaries | 12/20° | 6 jours – 722mn – 5,2nds moyenne |
24/01/2022 | Gomera – Iles Canaries | 30/01/2022 | Ile de Sal – Cap Vert | 20/25° | 7 jours – 843mn – 4,97nds moyenne |
13/02/2022 | Tarrafal de Trigo – Cap Vert | 02/03/2022 | Tyrrel’s Bay – Tobago | 30/34° | 17 jours et 2h – 2180mn – 5,3nds moyenne |

Depuis hier, le vent nous offre une autoroute vers les Canaries. Ça bouge tellement qu’il est impossible de se faire à manger, on grignote ce que l’on peut entre les nausées. Les moments où l’on peut se reposer, chacun à notre tour, sont assez étranges. Mélo fait constamment un sacré boucan : ça grince, ça tape dans le mat, dans le génois qui faseye (voile avant qui se dégonfle) et se regonfle dans un fracas quand le vent n’est pas de notre côté. Avec la fatigue, le bruit de l’eau qui glisse sous la coque ressemble parfois à des chuchotements ou à des voix de femmes. A demi endormie, je songe aux marins et à leurs sirènes. Dans mon état comateux porté par cette musique désordonnée, je songe, lors du bruit d’une vague qui termine sa course sur la coque, au geyser d’une baleine souriante qui nous accompagnerait un cours instant.
Journal de voyage – 07/01/2022 – J4, Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)

Comment germe l’idée de faire une telle aventure ?
Cette étincelle, j’imagine, peut germer dans l’esprit de n’importe qui à un moment donné de sa vie, un peu comme l’envie d’un tour du monde ou de partir vivre à l’étranger : en voyant un reportage un soir sur la 5, aux résultats du Vent des Globes, parce qu’un ami en a fait l’expérience et en est revenu plus qu’heureux et enrichit. Ou simplement parce que l’on a toujours connu la voile, c’est une expérience dont parlent fréquemment les marins entre eux. Je vous assure que parmi tous les gens rencontrés sur les quais, avec qui nous avons fait des soirées plutôt bien arrosées, la voile n’est pas forcément le point commun. Des gens de tous horizons viennent se mélanger et tenter cette aventure. Beaucoup de jeunes viennent faire du bateau stop à Tenerife (Canaries) espérant se lancer pour la traversée avec un équipage expérimenté et apprendre la voile.

Dernier lever de soleil avant l’arrivée aux Iles Canaries. J’ai dormi de 2h à 9h non stop. Oh joie ! Les garçons ne m’ont pas réveillé. Je prends mon quart, ils ont empanné (virer de bord) cette nuit, nous sommes à présent 266°, on pointe pile sur la première petite île des Canaries, La Graciosa. Il fait très beau et très doux ce matin, pour la première fois depuis notre départ de Cadix, il y a quelques jours, je peux retirer une couche de vêtement, avec un certain plaisir, nous nous approchons du soleil. Nous ne nous sommes pas lavés depuis le 3 janvier, jour de notre départ. Seulement les aisselles, le visage. Je change de culotte comme je peux, dans mon duvet et me lave à l’aide de lingettes. Il fait froid, la mer a été constamment agitée, avec Eric nous avons été très nauséeux.
Journal de voyage – 08/01/2022 – Traversée Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)
Doit-on avoir une grande expérience de la voile ?
Il est évident qu’il doit y avoir à bord au moins une personne qui connait bien son sujet pour la sécurité de tous, soit le Capitaine. Un skeeper expérimenté, prêt à essuyer une tempête, un démâtage, un hauban qui casse, une voile qui se déchire, un repêchage d’un homme à la mer… etc en sachant parfaitement aiguiller les équipiers de la meilleure des manières. De plus, celui-ci apportera son savoir, son expérience, de ce fait les équipiers seront au fur et à mesure de plus en plus à l’aise avec le monde de la voile et meilleurs pendant leur quart de garde.
Le mieux est bien entendu de tous avoir une expérience de la voile pour que tous puissent se reposer durant leurs heures de repos sans devoir se relever pour régler les voiles ou rectifier le cap d’un équipier qui n’a pas encore toutes les notions.
Je suis partie avec peu d’expérience, j’avais à peu près assimilé le vocabulaire et une bonne partie de la théorie pour naviguer, je savais manipuler les écoutes, monter et descendre la GV (grande voile), empanner (virer de bord), appris et presque compris les allures…etc Il faut garder en tête que la voile est très complexe et on ne cesse jamais d’apprendre. Pour ne pas être un poids pour mes deux équipiers, durant la traversée, je me suis perfectionnée en plus de l’apprentissage auprès de mon équipage, j’ai lu le livre de l’école des Glénans, livre théorique de renom sur l’apprentissage de la voile que je vous conseille vivement, même pour les plus expérimentés.
Donc, si vous êtes novice avec un équipage de deux autres personnes qui gèrent, c’est tout à fait possible. Cependant, il faudra être impliqué, désireux d’apprendre et devenir le plus vite possible autonome pour ne pas être un poids pour les co-équipiers et le capitaine qui sera en charge de vous.

Nous avons passé deux jours assez compliqués. Eric et moi sommes constamment nauséeux, nous avons beaucoup dormi, comateux. Heureusement que le Capitaine, lui, est bien en mer. Un peu mieux, je prends la barre pour lui laisser du repos. Mon inexpérience déclenche un premier fou rire lorsque je fais virer de bord Mélody sans le vouloir pensant la mettre au plus près du vent. Et cela, 3 fois d’affilé. Nous tournons en rond. Les conditions n’étaient heureusement pas dangereuses, ça a été une bonne expérience d’être seule à la barre et sentir le voilier, devoir me débrouiller seule. L’apprentissage n’est qu’à son début.
Journal de voyage – 04/01/2022 – Traversée Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)
J’apprécie ces moments seule à surveiller l’océan qui berce mes compagnons endormis, j’aime les savoir prêts à bondir pour sauver un empannage sauvage. J’écoute de la musique, mon esprit plonge dans les vagues et l’horizon. Pourtant, je suis en constante concentration, je m’exerce à sentir le vent sur mon visage pour en savoir toutes ses intentions. Je ne quitte des yeux que très peu de temps les drapeaux, la girouette, les penons sur le génois (ficelles indiquant le vent sur la voile avant) et le compas pour m’assurer que je ne dévie par de mon cap, que le vent ne tourne pas. La navigation est loin d’être simple, au delà de l’apprentissage théorique, la voile c’est une histoire de ressenti. On sent la mer. C’est une nouvelle langue pour moi, ici on parle de « border une voile » quand on cherche à la tendre, ou de la « choquer » quand au contraire on lui laisse un peu de mou, on dit qu’on « lofe » quand on se rapproche du vent et qu’on « abat » pour s’en éloigner. Le capitaine ne manque pas de m’engueuler si j’utilise un mauvais terme ou la manivelle pendant une manoeuvre. Pourtant Mélo est vieille, grince, les winchs sont très durs pour moi. J’y mets toute ma force, tout mon poids et parfois rien ne bouge et c’est là qu’hurle le frère : « A la force de tes bras ! ».
Journal de voyage – 04/01/2022 – Traversée Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)
Le vent s’intensifie, il fait nuit, ça fait tant de bruit que l’on ne s’entend plus, le bateau gîte trop (trop incliné). On fendrait presque la vague avec notre caravane flottante. Il faut baisser un ri ou deux (réduire la grande voile). La manoeuvre est assez périlleuse dans la nuit, avec la gîte et les vagues, cela me paraît dangereux. L’expérimenté s’équipe de son baudrier, et va au pied du mat. Pour moi, novice, c’est assez impressionnant, puis c’est mon frère qui est là bas, alors c’est de toutes mes forces, les muscles prêts à exploser que je suis concentrée à la manoeuvre à la lumière rouge de nos frontales, dans le bruit assourdissant du vent. Je l’entends à peine me hurler « borde » (tirer le bout (la corde) pour récupérer la grande voile et la raidir pour la prise au vent). Je suis dans le doute du terme, mais je comprends que de tirer sur cette foutue corde, va tendre ma voile et me ramener mon frère sauf à mes côtés.
Journal de voyage – 06/01/2022 – Traversée Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)
La meilleure periode poUr faire la transatlantique
Si vous vous lancez dans la traversée au départ de l’Europe en allant chercher les Alizés, il faudra compter environ 1 mois et des broutilles de nav en moyenne.
Les Alizés soufflent d’Est en Ouest aux niveaux des tropiques, entre les latitudes Nord 12° et Sud 5°, les vents sont installés à partir de novembre jusqu’en avril. Dans les esprits ces vents chauds et doux poussent tranquillement les voiliers d’est en ouest, et pourtant ils sont plutôt avec une constance de 20 à 25 noeuds et peuvent monter à plus de 30 noeuds durant les grains qui deviennent de plus en plus fréquents en approchant des Caraïbes. Il faut savoir également que la direction du vent peut varier d’environ 100 degrés.
Cela dit, nous avons fait la traversée sans prévisions météo, nous sommes bien entendu partis au meilleur moment, là où l’app indispensable Windy nous indiquait des vents constants et Nord Est. Nous avions donc 8 jours de prévisions météo assez fiables, ensuite c’est dans l’observation du ciel, des nuages, le comportement du vent et de la mer que l’on va faire des déductions. Si par chance vous croisez un cargo, certains sont sympas et vous donnent les prévisions par VHF. Il ne faut pas non plus trop y compter, en 17 jours nous avons croisé que deux cargos !
Les températures montent au fur et à mesure de la transat. On part en doudoune, sur équipé, on arrive en débardeur, tongs. Sur la traversée on change aussi de nombreuses fois de fuseaux horaires.

De la jupe de Mélo, au mouillage de la Graciosa, nous piquons une tête pour enfin toucher terre après ces 6 jours de navigation. L’eau doit être à la même température que l’extérieur, il est difficile de faire la différence. Elle n’est pas froide, ce n’est pas confortable non plus. Je ne peux m’empêcher de penser que ma chère Méditerranée, à cette époque de l’année, est glacée. La température la journée est agréable entre 20° et 25°. Je suppose que plus nous allons descendre vers les tropiques, plus nous auront chauds. J’avoue languir le Cap Vert, sans parler des Caraïbes.
Journal de voyage – 08/01/2022 – Traversée Espagne (Cadix) > Iles Canaries (La Graciosa)
Faire du Bateau stop pour la transatlantique
Si vous rêver de faire la transatlantique, mais vous ne connaissez pas de voileux, il est possible de faire du bateau stop. Le port où le bateau stop se pratique pour la transatlantique est incontestablement le port de Santa Cruz, à Tenerife, dans les Iles Canaries. C’est le port où les équipages font les dernières courses alimentaires avant le départ pour le Cap Vert ou la transat directement. Le port donne directement sur la ville, cela permet d’avoir accès aux supermarchés et faire le plein de pâtes, riz, boites de conserves, eau…
C’est toujours un plus d’avoir une expérience de la voile histoire de ne pas être un boulet pour l’équipage. Sans expérience il n’est pas rare que l’équipage demande une somme, de ce que j’ai entendu, entre 15 et 25€ par jour. Autant aller faire un tour sur Facebook au préalable et partir en mer à la journée avec des passionnés de la voile afin d’être capable d’aider un équipage. En mer il faut être capable de tenir ses quarts, participer à la vie du bateau. Tout ne doit pas reposer sur le skipper.
Exemple d’une affiche d’un équipier faisant du bateau stop :
» I’m Joel, I’m 30 and I’ve got over 5000nm (miles nautiques). I would like to build up my mileage. To upgrade my current rya day skipper. I want to keep learning and sharing skills. I speak fluent English & French, Spanish & catalan as mother language. I’m looking for a boat to cross the Atlantic. I will, of course, contribute giving a helping hand on the watches and maneuvers. As well as cooking, cleaning, and the rest of the game. Don’t mind sharing expenses. I’m an easy going person and over all I aim to have a nice time. If it sounds like something you’d be interested or want to have a little chat. Don’t hesitate to contact me. »
» Je m’appelle Joel, j’ai 30 ans et j’ai plus de 5000 milles nautiques. J’aimerais augmenter mon kilométrage. Mettre à niveau mon skipper actuel de rya day. Je veux continuer à apprendre et à partager des compétences. Je parle couramment l’anglais et le français. Espagnol et le catalan comme langue maternelle. Je cherche un bateau pour traverser l’Atlantique. Je contribuerai bien sûr à donner un coup de main pour les quarts et les manœuvres. En plus de la cuisine, du nettoyage et le reste. Cela ne me dérange pas de partager les dépenses. Je suis une personne facile à vivre et par-dessus tout, je vise à passer un bon moment. Si cela ressemble à quelque chose qui vous intéresse ou que vous souhaitez discuter un peu. N’hésitez pas à me contacter. »
Il existe un site de référence la bourse aux équipiers, qui peut vous mettre en contact avec des équipages ou poster une annonce. Sur Facebook il existe également des groupes qui permettent de se mettre en contact. La voile est un petit monde, les gens se connaissent. C’est une sphère où on se rend compte que le monde est petit !
Toutefois, je vous mets en garde. Faire la transatlantique c’est être en huit clos dans des conditions sportives, c’est être en dette de sommeil permanente, manquer d’intimité, d’hygiène, de confort, et être « en danger ». Il peut arriver n’importe quoi en mer, il faut toujours garder ça à l’esprit. C’est la nature qui nous porte et qui décide de notre sort. Avoir confiance en son équipage n’est pas anodin. Ne partez pas avec n’importe qui. Pour la petite anecdote : à Santa Cruz, nous avons fait une soirée avec deux amis de longues date qui remontaient un bateau aux Antilles, ils ont pris un jeune Ostéo qui faisait du bateau stop. Le jeune nous a dit que la traversée vers le Cap vert, soit 7/8 jours s’est si mal passée, alors que les conditions météo étaient bonnes, que le skipper s’est disputé avec son vieil ami et à viré le stoppeur. La transatlantique c’est minimum 16 à 25 jours. Sans compter la navigation entre Iles Canaries > Cap vert. Donc réfléchissez bien.
solitude en huit clos
Le huit clos, la fatigue, les conditions de vie vont forcément à un moment taper sur le sytème. Il est très important, je pense, d’avoir un équipage solide. Un équipage capable de faire des concessions, attentif aux besoins de chacun. Il va falloir savoir faire preuve d’altruisme tout en sachant se préserver. Il y aura forcément des moments de crises dans le groupe. Ces moments là sont souvent accompagnés d’une mer qui s’agite, de manoeuvres mal gérées car la fatigue pèse. Après ces éclats de voix, chacun aura besoin de son intimité. C’est à ce moment là qu’il sera bon de relativiser, de s’évader un peu du quotidien pour rester positif. Heureusement, on peut toujours compter sur les dauphins, les couchers de soleil, les magnifiques ciels étoilés pour ressouder l’équipe.

Pas de baleine, ni de dauphin ce matin. Je suis de quart cet AP. Je croise les doigts pour avoir à nouveau un tel spectacle, ils chantaient, sautaient très haut hors de l’eau, d’immenses dauphins. C’était merveilleux, un grand moment qui est venu contraster avec l’espèce de routine morose. Le temps ne passe pas bien vite. On se sent assez vite coincé sur une caravane flottante sur des eaux interdites. Là dessous vit tout un monde marin et inaccessible. Nous sommes coupés du monde de la mer et celui de la terre. Juste un minuscule point perdu au milieu d’une étendue bleue profonde. Tenir le rythme des quarts est épuisant. Pendant notre temps de repos les autres vivent, du coup on ne dort vraiment que très peu. Sans parler du huit clos, ça tangue sans arrêt et bruyamment. Je m’attendais à vivre cette lassitude. Elle est bénéfique. Elle pousse à se terrer un peu dans son monde, à réfléchir à l’avenir. Tout ce que cette expérience est en train de changer dans la vie future. Les plans de mon van se dessinent. Les futurs voyages aussi.
Journal de voyage – 26/01/2022 – Iles Canaries, Gomera, playa del medio > Cap Vert
Les distractions qui tuent le temps
Avant de partir, il est absolument primordial de faire le plein de musique, films, podcasts, bouquins. Finalement on passe beaucoup de temps seul à tenir ses quarts pendant que les autres se reposent. Les heures peuvent paraître interminables quand on surveille l’océan vide en surface. Pensez à faire ça en France, car à l’étranger on a forcément moins accès au wifi. Il faut squatter les bars, et croyez moi qu’ils brident tous leur connexion. Autre chose, protégez à fond votre téléphone de l’eau. Vous allez forcément prendre l’eau. Les câbles s’oxydent, tout l’électronique en bave sur un bateau. Le mieux est d’utiliser une pochette étanche. Je n’ai pas pris cette précaution et mon tél est mort. J’ai du coup beaucoup lu sur le kindle. J’ai bossé mon anglais. C’est un truc pas mal je trouve, savoir qu’on a tant de jours de pause dans sa vie, à quel savoir va-t-on les consacrer ?
Article concernant les distractions en cours de rédaction.
Les réserves alimentaires

C’est encore sur Tenerife, à Santa Cruz que tout va se passer. Le port donnant sur la ville, qui est assez grande et super au passage, permet d’avoir accès à des grandes surfaces. Il va falloir faire quelques kilomètres à pieds chargés cependant. Après cette étape, il ne sera plus possible de faire d’aussi grandes réserves. Nous avons tout de même trouvés un petit supermarché à Mindelo, Cap vert. Mais pas de quoi faire d’aussi grandes courses.
Article sur la liste de course en cours de rédaction.

A notre arrivée au port de Santa Cruz nous entendons un chant très fort, un choeur d’homme sous fond de musique Mexicaine, comme un hymne. C’était effectivement un navire Mexicain qui accostait. Ses marins tous debout le long des mats. C’était interminable. C’était beau. Ils étaient tous vêtus de bérets noirs et de pulls à rayures blanches et noires. Après ce spectacle inattendu, nous sommes parti faire les courses : pâtes, riz, conserves, sauce… Les garçons ont porté 30kg chacun sur le dos, moi 20kg. Tous les recoins de Mélo sont bondés de bouffe. J’ai tout rangé au réveil, comme si je rangeais une épicerie. Pour l’eau nous avons 300L dans les vaches à eau, que nous ne consommons pas, que pour la cuisson, 80Litres pour boire + 10 bouteilles d’1,5L que nous remplissons avec les bonbonnes. Nous avons prévu de quoi tenir deux mois en cas de casse en plein océan. Nous avons prévu large.
Journal de voyage – 15/01/2022 – Corralejo > Santa Cruz – 2 jours de nav.
LA SECURITE, LE GRAB BAG, L’EQUIPEMENT
Nous avons constitué notre sac de secours : Grab-Bag qu’après les deux portions de nav entre Espagne > Canaries et Canaries > Cap Vert. Ce qui est franchement pas bien sérieux. On pouvait avoir un gros pépin en longeant l’Afrique et n’y étions pas préparés.
La sécurité passe aussi par des répétitions. Nous avions la chance d’être un équipage de trois soignants. Dans nos métiers on nous prépare à l’urgence par des mises en situations. Et nous sommes aussi tous les trois passés par des services d’urgence. Du coup nous avons fait des simulations. Exemple : si l’un de nous tombe à l’eau, que faire ? Où se trouve le Grab Bag ? Si, on heurte un objet volumineux et que nous prenons l’eau, que faire ? Où sont les bouchons ? Comment on ouvre la pompe, où se trouve le canot de sauvetage ? Nous avons aussi échangés sur ce qui doit être dans le Grab bag, quel type d’équipement nous disposons, la VHF, l’autonomie solaire, … ect. Vous avez compris le principe. En faisant ces simulations d’urgence, nous avons pu attribuer les rôles. De ce fait, chacun savait ce qu’il devait faire en cas de crise. Bien sûr, cela ne fait pas tout, mais étant habitué à l’urgence, je vous assure que s’y être préparé, cela change tout.
LES ILLUSTRATIONS INSPIREES DE LA TRANSATLANTIQUE
J’ai pas mal écrit, mon journal de voyage et pas mal dessiné sur Mélo. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas accordé ce temps. En rentrant, comme après chaque voyage à l’étranger, j’étais la tête débordant de belles images, de couleurs. Cela à énormément relancé mon envie de dessiner.
Voilà, cet article se termine sur cette note colorée, je pense avoir fait un large tour de la question. Si jamais vous avez des questions, n’hésitez pas, si je peux vous répondre ce sera avec plaisir.
Bonne traversée les voileux 😉




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